10 mai 2023

Les dessous d’un titre historique

Le Genève-Servette est devenu, pour la première fois de son histoire, champion de Suisse. Ce 27 avril 2023 restera, à jamais, gravé dans les mémoires des joueurs, du staff et de tout Genève. Un succès qui couronne une longue année de travail et dont nous allons retracer tous les “insides” depuis ses fondements jusqu’au soulevé de la coupe.

Une saison de hockey, c'est 52 matchs de saison régulière, entre 12 et 21 matchs de Playoffs et surtout un vainqueur pour treize perdants. Les raisons d’un succès ou non débutent souvent bien avant le premier lâché de puck. Pour arriver à ce premier titre historique du Genève-Servette, l’équipe a dû se construire au travers de nombreuses situations. Des moments-clés qui vont tous vous être partagés dans cet article. Il existe énormément de belles histoires dans la conquête d’un titre et nous voulions partager un bon nombre d’entre elles avec nos supporters. Ce récit débute le 20 mars 2022 où les fondements d’une saison que personne n’oubliera ont été bâtis.

pré-Playoffs à Lugano Les Aigles s'étaient fait éliminer par Lugano en pré-Playoffs

La frustration dans le Tessin 

La frustration peut permettre de forger des épopées épiques, tout comme elle peut complètement abattre un individu ou un groupe de personnes. Le 20 mars 2022 le Genève-Servette tombe de haut en se faisant sortir en deux matchs de pré-Playoffs par Lugano. Les Aigles ont été la meilleure équipe de la deuxième moitié de saison avec plus de 2,20 points par match et ils avaient réussi à revenir d’une situation délicate. En effet, après un début de saison complètement manqué, la direction du Club a donné les rênes de l’équipe à Jan Cadieux. Il a eu la lourde tâche de redresser la barre et sauver la saison par respect pour les supporters et les partenaires du GSHC. 

Avec 23 points en 23 matchs, une montagne se dressait face au jeune entraîneur. Mais Jan Cadieux a su imposer sa vision du jeu et l’importance du travail quotidien. L’équipe a été très réceptive et elle s’est lancée dans un rush pour se qualifier en Playoffs. Des Playoffs qu’ils ont manqué pour un seul petit point avant de subir la loi de Lugano en pré-Playoffs en s’inclinant deux fois de suite (1-2 puis 3-4 ap). La frustration était grande et la défaite a fait mal aux corps et aux esprits. 

Les Aigles ont produit leurs deux moins bons matchs de la fin de saison au pire moment. Mais ils ont surtout payé les efforts intenses qu’ils ont fournis pour se donner une chance d’arracher les séries finales. En revanche, ce rush leur a permis de comprendre qu’ils avaient les capacités d’être la meilleure équipe du championnat. C’est sur cette frustration et cette prise de conscience que Jan Cadieux et son staff ont décidé de bâtir les fondements d’un succès historique.

prépa La préparation estivale avait commencé au Stade de Genève

Une longue préparation

La saison du Genève-Servette n’était finie que depuis trois petites semaines que les Aigles avaient déjà repris le chemin des entraînements. Alors que Zoug et Zurich se qualifiaient pour la grande finale, les Genevois, eux, couraient et soulevaient de la fonte. L’une des raisons de l’échec de la saison précédente était le manque d’intensité lors des entraînements. Jan Cadieux a complètement révolutionné le travail quotidien de l’équipe et cela avait porté ses fruits. C’est dans cette continuité qu’avec le préparateur physique, Gaëtan Brouillard, ils ont mis au point tout un programme pour l’été. Si l’on se remémore les matchs de la saison 2022-2023, c’est très souvent dans le dernier tiers que les Grenat ont fait la différence: ils ont su trouver les ressources pour passer l’épaule à ce moment-là. Ceci est à mettre au crédit de ce travail physique lors de l’été et la gestion lors des entraînements en saison. Noah Rod l’a d’ailleurs souligné après le titre: “On le mérite car personne n’a travaillé aussi fort que nous pour y arriver.”

Week-end staff en montagne 

Sous l’impulsion de Jan Cadieux et de Marc Gautschi, tout le staff s’est retrouvé pour passer un week-end aux Gets. Les coachs, le staff, le physio, Jimmy et son équipe, jusqu’au chef de presse et au photographe du Club, se sont retrouvés pour passer quelques jours ensemble histoire de préparer la saison 2022-2023. Le but était de créer toutes les bases pour la saison qui arrive. Que ce soit le playbook, les lignes, les rôles de chacun ou encore les plannings quotidiens, tout a été défini une première fois lors de ces quelques jours.

En outre, chaque personne présente a dû faire une présentation devant toute l’assemblée afin de renforcer l’esprit d’équipe. Le but était de présenter un sujet, une idée, un concept qui pourrait faire gagner 1 ou 2 points de plus à la fin de la saison. Des sujets comme la culture du hockey, la culture de la gagne, la mentalité de buteur, la cohésion d’équipe ont été exposés. Ce fut un moment charnière pour souder tout le staff autour d’une philosophie mise en avant par Jan Cadieux: tous doivent adhérer au projet pour que les joueurs suivent.

coéhsion Le groupe qui est monté au Salève au début de la préparation d'été

Développer la cohésion d’équipe

Tout au long de la préparation estivale, les coachs ont cherché à pousser les joueurs dans leur retranchement mais de façon ludique et en groupe. Le but était de renforcer une cohésion d’équipe déjà bien présente. Dans un championnat aussi serré que peut l’être la National League, ces notions de camaraderie et de sacrifice pour l’équipe peuvent faire la différence en bout de course. Jan Cadieux et son staff l’ont bien compris et ils ont organisé plusieurs défis comme la montée du Salève, un tournoi de badminton ou encore d’autres challenges lors des entraînements quotidiens pour améliorer ce «team spirit». Les joueurs se sont donnés à 100% et les liens se sont encore resserrés.

La préparation estivale s’est terminée par deux jours à la Vallée de Joux en juillet où toute l’équipe a pu passer une superbe soirée chez les Le Coultre. La famille de Simon a organisé un grand barbecue avec au menu pétanque, rigolades autour du feu et fête jusqu’au bout de la nuit. Un moment magique, un peu hors du temps, dont les joueurs et le staff ont gardé de magnifiques souvenirs. 

La photo de la coupe 

Si dans les médias et dans la communication du Club, l’objectif était une qualification directe pour les Playoffs (à savoir un Top6), à l’interne le discours était tout autre. Dès les premiers instants de la préparation, le but était de faire comprendre au groupe que nous allions tout mettre en oeuvre pour gagner le titre. Et avec l’équipe bâtie par Marc Gautschi ainsi que la motivation extrême des joueurs de marquer l’histoire, tous ont adhéré rapidement. Mais entre le dire et le faire, il y a souvent un gouffre. Un gouffre qui sépare finalement les équipes qui triomphent de celles qui échouent. 

Jan Cadieux est arrivé au premier jour d’entraînement collectif avec une photo de la coupe. Il a dit à tous les gars que l’objectif était le titre et rien d’autre. Le deuxième jour, il est revenu avec cette photo et le même discours. L’image de la coupe et ce qu’elle représente ont été montrées tout au long de la saison lors des réunions d’équipe ou des séances vidéo. L’entraîneur voulait absolument que ses joueurs se rappellent pourquoi ils se battent tous les jours et à quel point il faut travailler pour l’avoir. 

Potentiel de l’équipe 

Si Teemu Hartikainen aime rappeler à tout le monde qu’il savait que l’équipe allait être championne dès le mois d’août et que c’est pour cela qu’il a signé au GSHC, l’équipe entière a pris conscience de ce potentiel tout au long du début de saison. Le premier moment fort était le match de préparation face à Zoug le 28 août 2022. Alors que Zoug se préparait pour ses premiers matchs de Champions Hockey League, les Grenat se sont déplacés à la Bossard Arena pour le premier vrai test de la pré saison. Au terme d’un match passionnant, les Aigles s’étaient imposés 5 à 4 grâce notamment à un doublé d’Henrik Tömmernes dans le dernier tiers et au premier but sous l’uniforme genevois de Teemu Hartikainen. L'ailier finlandais s’était amusé avec un penalty de grande classe. Le même geste que celui du 4-1 dans l’Acte VII de la finale face à Bienne. Son premier et dernier but de la saison ont donc été inscrit sur l’exact même geste technique. 

Ensuite la saison a commencé et après une première victoire aux tirs aux buts face à Davos, le Genève-Servette s’est pris un premier coup sur la tête. Une défaite 2 à 0 à Bienne où rien n’a fonctionné. Une première baffe où les Aigles ont resserré les rangs pour réagir de la meilleure des façons: ils ont enchaîné avec 8 victoires de suite et 19 matchs avec au moins un point. Premiers du championnat dès le 27 septembre, ils n’ont plus quitté le sommet jusqu’à l’avant-dernière journée. Mais pour finalement remporter pour la première fois de son histoire la saison régulière lors du dernier match de la saison.

Moment de doute

Si sur l’ensemble de la saison les Grenat ont été constants et solides, ils ont dû faire face à quelques petits creux. Dont notamment celui autour des fêtes de Noël où ce sont trois défaites de suite qui ont pu faire naître quelques doutes. Mais plus que sur les résultats, c’était la façon de jouer qui ne plaisait pas. Les joueurs et le staff se sont alors réunis entre eux pour mettre les fameux points sur les “i”. C’est Noah Rod qui le raconte; “On n’était pas content de la manière dont on jouait. On ne faisait plus le petit effort de plus qui nous avait amené du succès plus tôt dans la saison. C’était important pour nous de nous parler sans détour pour repartir de plus belle.” Les Grenat avaient retrouvé leur jeu et ils avaient enchaîné avec la double victoire face à Bienne notamment (les 20 et 21 janvier 2023). C’est aussi ça la force d’un vestiaire soudé, c’est qu’ils n’ont pas peur de se dire les choses quand ça va mal.

Cadre et coupe Le cadre et la coupe dans le bureau des coachs

Le cadre des 12 pucks 

Avant les Playoffs, Jan Cadieux avait fait construire un grand cadre avec 12 ronds numérotés qui représentent chaque victoire dont son équipe avait besoin pour être champion. Chaque puck de victoire y est fixé et à chaque fois avec la photo du meilleur joueur du match selon l’équipe. Le meilleur joueur du dernier match passe son “casque de soldat” au nouvel élu. Et cette photo accompagne chaque puck de victoire. 

En parallèle de cela, Jan Cadieux a demandé à chaque joueur d’écrire ce pourquoi il voulait être champion. Beaucoup ont écrit qu’ils voulaient être champions pour eux-mêmes, pour leur famille, pour leurs coéquipiers. Une autre majorité a écrit qu’ils voulaient le faire pour l’histoire, pour le Club et les Genevois. Et enfin, il y a eu des messages plus personnels comme celui de Benjamin Antonietti qui a écrit “la meilleure façon de finir ma carrière”. Ce tableau était dans le vestiaire tout au long des Playoffs, histoire de rappeler à chacun pourquoi ils faisaient tout ça. Cette œuvre doit encore être complétée puisque dans l’euphorie du titre, la dernière case n’a toujours pas été remplie. Une fois fait, le cadre sera exposé aux Vernets dès le début de la saison prochaine. 

Blessures et guerriers

On le sait, les joueurs de hockey sont des êtres à part entière. Des athlètes durs au mal qui souvent, quand les Playoffs arrivent, font fi de leurs douleurs pour pouvoir jouer et contribuer au succès de l’équipe. Noah Rod est l’un des parfaits exemples de cet état d’esprit. Touché à la cheville lors du match face à Fribourg-Gottéron le 5 février dernier, il avait tout mis en œuvre pour être d’attaque pour les Playoffs. Sa blessure nécessitait une pause de 6 semaines pour lui permettre de patiner. Juste avant l’Acte II du quart de finale face à Lugano, le capitaine s’est refait mal au même endroit après un contact fortuit avec Deniss Smirnovs à l’entraînement. Il manquera 7 matchs de Playoffs avant de faire son retour dans la série face à Zoug. La douleur était tellement vive qu’il lui était difficile de freiner et de tourner. Mais il a su serrer les dents pour amener son leadership et son exemplarité dans le groupe jusqu’au bout. 

Ensuite, Sami Vatanen (Acte I de la finale) et Valtteri Filppula (Acte V de la finale) ont tous les deux été touchés à un ligament du genou. Deux blessures qui nécessitent plusieurs semaines de repos et un gros travail de réathlétisation du genou pour pallier la gêne occasionnée. Mais les deux joueurs ont disputé la finale avec une attelle et des anti-douleurs. Quand on voit le niveau de jeu des deux Finlandais face à Bienne alors que fondamentalement, ils n’étaient que sur une jambe, cela force le respect. Oui, oui, Sami Vatanen a inscrit son “coast to coast” avec un seul de ses genoux valide à 100%. 

Puis, il y a le cas de  Vincent Praplan. Il s’est cassé le scaphoïde de la main droite lors de l’acte IV de la demi-finale contre Zoug après un choc fortuit derrière la cage de Robert Mayer. Cette blessure ne l’a pas empêché de récupérer le puck lors de la prolongation pour la transmettre à Tanner Richard juste avant le but de Marc-Antoine Pouliot. Le lendemain, la radio était claire: fracture de l’os, possible fin de saison. Finalement, l’attaquant genevois a trouvé le moyen de limiter la douleur avec une attelle, sans pour autant limiter son jeu. Mais le risque de se fracturer l’os à nouveau était extrêmement élevé. Heureusement pour lui et pour l’équipe, cela a tenu et il s’est fait l’auteur de la sublime passe pour le but de Daniel Winnik dans le dernier match de la finale. 

Benjamin Antonietti a joué malgré une hanche abîmée, tellement abîmée qu’il doit malheureusement mettre un terme à sa carrière professionnelle. L’attaquant genevois a souffert mais il voulait absolument se mettre au service de l’équipe malgré ses vives douleurs. Il était un guerrier sur la glace et il l’a prouvé jusqu’au bout. 

Mike Völlmin a lui aussi serré les dents malgré une hanche défectueuse. Le défenseur doit se faire opérer ces prochains jours et manquera le début de la saison prochaine. Mais comme les autres joueurs, il n’a jamais été question de lâcher l’équipe s’il existait la moindre chance de pouvoir jouer. 

Il existe bien d’autres histoires entre les maux de dos, d’adducteurs etc. Rien que de se remémorer ce qu’a subi Simon Le Coultre et tout ce qu’il a entrepris afin de revenir au jeu pour les Playoffs alors qu’au début, on ne savait pas s’il pourrait rejouer un jour au hockey. Comme le dit tout le temps Jan Cadieux: “Tout le mérite revient aux joueurs”. Ces mots n’ont jamais eu autant de poids que dans ces histoires. 

Les messages d’Harti et de Jacky

Lors de ces Playoffs, les joueurs étaient relativement conscients de la force de l’équipe. Ils étaient confiants quant à leurs capacités. Ils n’ont jamais douté, même lorsqu’ils étaient menés dans les matchs. Cela s’est traduit par un quart de finale remporté 4 à 2 et une demi-finale gagnée 4 à 1. Mais lors de la finale face à Bienne, quand les Seelandais ont fait le break aux Vernets après la victoire en prolongation 2 à 1, les Aigles étaient menés pour la première fois dans une série. La veille d’un Acte IV importantissime, Teemu Hartikainen et Arnaud Jacquemet ont tous deux envoyé un message dans le groupe WhatsApp de l’équipe.

messages Message de Teemu Hartikainen à la veille de l'Acte IV de la finale

messages Message d'Arnaud Jacquemet à la veille de l'Acte IV de la finale

Teemu Hartikainen a senti le besoin de s’exprimer à nouveau juste avant l’Acte VII via ce même canal. 

 

message Message de Teemu Hartikainen à la veille de l'Acte VII de la finale

Ces deux textes ont eu un grand impact sur le focus et le mindset des joueurs. Presque tous en ont fait part les jours qui ont suivi le titre. Dans un championnat aussi serré que celui de National League, c’est peut-être ce genre de petits détails qui fait la différence.

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