29 octobre 2014

Revue de presse – Mars 1972

Le mercredi 29 octobre 2014 est une date historique : il s’agit de la première rencontre de Coupe Suisse organisée aux Vernets depuis la finale de 1972. A cette occasion, le GSHC va honorer son histoire et hisser les bannières de vainqueurs de la Coupe Suisse de 1959 et 1972. Nous vous proposons donc de vous replonger dans les archives avec une revue de presse de l’époque.

Au Tessin, l’avance des Genevois sera bien précaire

Tribune de Genève du vendredi 10 mars – Bernard Joliat

Pour soutenir son action contre Ambri Piotta, Genève/Servette avait fait venir un orchestre. Les musiciens furent les seuls à jouer dans le rythme. Bien sûr, la trompette égrena quelques fausses notes, mais sans jamais parvenir à imiter les arbitres spécialistes des contretemps, qui haussèrent le niveau de leur opéra bouffe. MM. Aubor et Brenzikofer possédaient chacun un sifflet. Aux Vernets, leur merveilleuse symphonie put donc être interprétée en stéréophonie. Le canal de gauche valait celui de droite. Incrédule, le public se mit tout d’abord à rire, comme il se doit lorsque la plaisanterie est bonne, le dialogue savoureux. Puis, peu à peu, il s’aperçut que ses faitaisistes en chemises rayées, ne plaisaitaient pas, prenaient au sérieux leur rôle de trouble-fête. Alors, il se mit à hurler pendant que sur la glace les joueurs en venaient aux mains, se cherchaient des crosses.

Comme les Genevois étaient sensés payer une amende à l’apparition de quelques bouteilles sur la glace, quelques « tifosi » de la Léventine, venus du même coup choisir un voiture au Salon tout proche, lancèrent sournoisement quelques récipients. Il va de soi que l’on admire la franchise, l’honnêteté, le courage, de ces excités anonymes qui se défoulent ainsi dans l’incognito de la foule.

Une avance précaire
Mais il y avait aussi le match, évidemment. Avec un but de Jean Cusson, à la 15e minute, et un autre de Christoffel (55e), de loin le meilleur homme sur la glace.

2-0, l’avance est précaire, 48 heures avant d’affronter le même adversaire dans son fief d’Ambri. A vrai dire, Genève-Servette devra réaliser un exploir, samedi soir, s’il espère ramener à Genève une Coupe de Suisse qui lui échut en 1959. Une bonne année, un fameux millésime…

De cet affrontement, dominé par le concerto en ut strident pour sifflets d’arbitres à la gloire de la confusion, on retiendra aussi le « cinéma » inutile de l’entraîneur-joueur Andy Bathgate. Son comportement ne laissera guère un bien lumineux souvenir à Genève, même quand on sait que ses gestes grossiers font presque partie des traditions du hockey professionnel canadien.

Paradoxe étrange, la lutte contr la relégation avait engendré un match mémorable ; cette finale de la Coupe suisse, avec les mêmes équipes, n’ébaucha qu’un spectacle lamentable.

Jean Cusson… satisfait !
Les apparitions sporadiques d’un Claude Henry diminué, la blessure de Conne, le renoncement de Stuppan, ne suffisent pas à expliquer ce score étriqué. Jeudi aux Vernets, les Genevois auraient dû marquer au moins huit buts. Même si l’on doit encore féliciter Clerc pour ses arrêts miraculeux et son admirable sens du placement. Face à une formation tessinoise privée du solide Tchécoslovaque Kren, de Cipriano et Guido Celio, ainsi que pendant douze minutes d’Andy Bathgate, Genève/Servette a perdu une belle occasion d’assurer son triomphe en Coupe de Suisse. Rien n’est perdu, certes, mais au Tessin, les occasions de buts seront rares. Les gâcher, comme jeudi soir devant 3700 témoins interloqués, équivalait presque à un sabordage…

Seul Jean Cusson paraissait satisfait : « Je suis content du résultat, de notre comportement… » nous a-t-il déclaré après le match. Il n’y a que la foi qui sauve.

Les équipes
Genève/Servette : Clerc : Christoffel, Conne (Stuppan pendant quelques instants) ; Rondelli, Bettiol ; Zahnd, Giroud, Joris ; Disch, Fruttiger, Jenny ; Pargaetzi, Henry, Cusson. – Dekumbis.

Ambri Piotta : Jaeggi ; Florio Celio, Bottin ; Genuizzi, C. Muttoni ; F. Muttoni, Ticozzi, Moretti ; F. Panzera, Bathgate, Butti ; Cenci, F. Panzera, Gendotti.

Genève-Servette remporte la Coupe

La Suisse du dimanche 12 mars – Cer.

AMBRI PIOTTA : Jaeggi ; Genuizzi, Muttoni C. ; Celio F., Mottini ; Cenci, Bathgate, Panzera F. ; Gendotti, Kren, Butti ; Moretti, Ticozzi, Muttoni F.
GENVE-SERVETTE : Clerc ; Conne, Christoffel ; Bettiol, Dekumbis ; Cusson, Pargaetzi, Disch ; Giroud, Joris, Zahnd ; Fruttiger, Jenny, Zurbrugg.
ARBITRES : MM. Cerini et Spring.
10 000 spectateurs
Ambri Piotta joue sans les frères Celio et Castelli. Genève-Servette est privé de Stuppan et Henry
Buts et pénalités
1er tiers : 2’15 Cusson sur passe de Pargaetzi (0-1) ; 6’30 deux min. à Conne ; 8’10 deux min. à Bathgate ; 9’20 deux min. à Zahnd ; 14’30 Cusson sur passe de Disch (0-2) ; 15’30 Moretti (1-2).
2e tiers : 12’20 deux min. à Joris ; 13’40 penalty pour Genève-Servette manqué par Cusson ; 14’50 Cenci sur passe de Bathgate (2-2) ; 14’55 Butti sur passe de Gendotti (3-2).
3e tiers : 6’45 deux min. à Conne ; 16’ deux min. à Ticozzi.

Public record
Tout le Tessin s’était déplacé pour cette rencontre. Près de 10 000 spectateurs (record probable) encahissaient la patinoire de la Valascia. On y devine l’ambiance folle qui y régna tout au long de la rencontre.

Dès le début du match, les Genevois, qui devaient pourtant se passer de Henry, démontraient leur ambition et à la deuxième minute déjà Cusson pouvait ouvrir le score. Genève-Servette poursuivit sa domination et Cusson marqua un deuxième but. Toutefois, peu avant la fin de cette première période, Moretti réussissait à diminuer l’écart avant qu’un tir de Bathgate soit renvoyé par un poteau des buts de l’excellent Clerc.

La deuxième période fut plus équilibrée. A la 13e minute, Cusson s’en allait seul lorsqu’il fut gêné par la canne lancée par Florio Celio. Cusson tira lui-même le penalty… mais son envoi passa à côté des buts. Cet échec fut le signal du réveil pour les Tessinois. Ils furent littéralement transformés et renversèrent le score en quinze secondes.

Sans dommage
Dans le troisième tiers, Genève-Servette (qui menait en fait 4-3 au score total des deux matchs) se défendit fort bien et passa notamment sans dommage deux minutes en état d’infériorité numérique. A 30’’ de la fin, l’équipe tessinoise fit même sortir son gardien mais en vain.

Ainsi, Genève-Servette, parfaitement emmené par le Canadien Jean Cusson qui fut le meilleur joueur sur la glace, remporte cette nouvelle édition de la Coupe suisse. Il a mérité cette victoire car il a su se montrer plus homogène que son adversaire et a fort bien contrôlé le jeu au dernier tiers-temps. Si le match aller avait été hâché, cette deuxième rencontre a été de meilleure qualité. Tessinois et Genevois ont présenté un excellent spectacle au nombreux public.

Un trophée qui permet de compenser les déceptions d’un championnat tronqué

Tribune de Genève du lundi 13 mars – Bernard Joliat

Dans la grisaille de la Léventine, Genève/Servette a illuminé de soleil une saison qui aurait pu être simplement banale. Le millésime 1972 comme celui de 1959, pour les Genevois, sera au moins celui de la Coupe de Suisse, de ce nouveau succès gravé à jamais sur un trophée qui n’eut pas – ou presque – à souffrir de l’encombrante présence d’un HC La Chaux-de-Fonds trop ambitieux. Dimanche à l’aube sur le quai de la gare d’Airolo, les traits tirés, le teint blafard mais parfaitement heureux, le verre encore à la main, Jean Cusson, titubant un peu, saoulé plus encore de plaisir que d’alcool, affirmait avec ironie : « Si je repasse le tunnel du Gothard sans m’écrouler, alors tout ira bien ».

En pardonnant au sympathique Canadien des Vernets les séquelles trop visibles d’une compréhensible nuit d’ivresse et d’euphorie au cours de laquelle, sans arrière pensée, les « grenat et or » ont enfin pu boire la coupe jusqu’à la lie, on s’est dit que Jean Cusson devait avoir, la veillle, d’autres raisons d’appréhender la traversée du Gothard. Mais l’entraîneur genevois nous avait prévenu : « Deux buts d’avance, ce sera sans doute suffisant. J’ai pleinement confiance en mes gars ».

Cette confiance n’a jamais été déçue. Certes, Genève/Servette a été battu 3-2 (1-2, 2-0, 0-0) par un Ambri déchaîné, mais dans cette lutte titanesque que livrèrent des Genevois, leurs efforts avaient été parfaitement dosés, savamment calculés. Nous avions rarement vu les hommes des Vernets animés d’une telle détermination, d’une aussi totale volonté d’atteindre leur objectif. Et l’on peut même affirmer que s’il avait été nécessaire de gagner dans la Léventine, les Genevois seraient parvenus à leurs fins, tant ils mirent du cœur à l’ouvrage qui leur avait été confié.

Une consécration
Un public inconditionnel, souvent hostile, les absences de Stuppan et Henry blessés, il y avait de quoi décourager les plus belles intentions. Mais les protégés de Cusson ont su détourner l’adversité, forcer la décision par l’unique désir de ramener à Genève cette Coupe de Suisse qui, à elle seule, pouvait justifier, consacrer, les longues heures de travail d’abnégation, d’une saison partiellement tronquée par un championnat à l’intérêt trop restreint.

« Nous avons dû jouer avec deux lignes et demie » déclarait encore Jean Cusson à l’issue de ce match mémorable. C’est à peine vrai, tant le Canadien sut se multiplier sur la glace pour combler les éventuelles lacunes de sa formation incomplètes. Mais à l’issue de ces heures glorieuses, c’est évidemment toute l’équipe qui doit être unie dans les éloges, même si Clerc disputa une rencontre ahurissante de brio, peut-être la plus formidable de sa carrière, même si Christoffel, Dekumbis parfois, ou encore Cone plus souvent, réussirent des actions d’un éclat merveilleux.

Tandis que Genève/Servette ramenait chez lui cette Coupe de Suisse tant désirée, le public tessinois se sonsolait en pensant qu’il avait, lui seul, assisté à une vraie finale. Que l’on était loin, en effet, du match décousu, insipide, de jeudi soir aux Vernets, où les deux mêmes équipes, mal inspirées, fatiguées, avaient présenté un spectacle assez triste, presque dépourvu d’intérêt. Samedi dans la Léventine, les deux adversaires sont apparus métamorphosés, dirigés cette fois par des arbitres à la hauteur de leur tâche difficile.

Le mérite de Genève/Servette, c’est d’avoir abordé cette rencontre en gagneurs. Pendant tout le premier tiers-temps, les Genevois pratiquèrent un intense fore-checking, qui leur valut de marquer deux buts psychologiques, auxquels Ambri-Piotta ne répondit que par une réussite due à un ricochet favorable.

Le tournant du match se situa entre la 34ème et la 35ème minute. Par deux fois, dont une sur penalty, Jean Cusson échoua sur le gardien tessinois. Et Ambri, dans les trente secondes qui suivirent, retournait le score à son avantage par deux buts admirables auxquels Bathgate contribua pour une bonne part. C’est d’ailleurs à cet instant, au plus fort de la « furia ticinese », que les Genevois ont vraiment mérité leur Coupe, pour avoir su conserver leur calme au milieu de la tempête, pour avoir dominé leurs nerfs à un moment où la situation aurait pu tourner à la catastrophe. Et le score ne se modifia pas, quand bien même le spectacle demeura intense, passionné, inoubliable.

L’échec de Bathgate
Jusqu’au terme de la rencontre, les deux équipes ont cru en leur chance et c’est sans doute cette certitude de vaincre, des deux côtés, qui fut à l’origine d’un si bel affrontement. Bien qu’ayant laissé échapper la Coupe, Ambri a remporté une victoire qui lui permet de se retirer la tête haute. Mais il n’en sera probablement pas de même d’Andy Bathgate, qui aurait voulu effacer son « tour de relégation » par l’obtention du trophée. Pour lui, il s’agissait d’une affaire personnelle, qui se solde par un échec.

Au seuil de la quarantaine, l’ex-professionnel canadien pourra toujours se livrer à son nouveau sport favori, le golf. N’affirme-t-il pas qu’il excelle sur les links et qu’il y gagne plus d’argent que sur la glace ? De toute manière, son séjour à Ambri n’aura pas été inutile pour les jeunes hockeyeurs de la vallée…

Quant à Jean Cusson, on comprend volontiers qu’il ait de moins en moins l’envie de laisser à d’autres le soin de prendre en main la destinée de Genève/Servette, auquel cette Coupe de Suisse le rattache plus que jamais. Restent évidemment à concilier les obligations professionnelles du Canadien avec sa passion pour le club genevois…

Marqueurs : 2. Cusson 0-1 ; 14. Cusson 0-2 ; 15. Moretti 1-2 ; 35. Cenci 2-2 ; 35. Butti 3-2 – Pénalités : 3 x 2’ contre Ambri, 5 x 2’ contre Genève/Servette.
Ambri avec Kren, sans C. et G. Celio. Genève/Servette sans Henry et Stuppan.

M. Barbey : un pas vers le futur
Dans les vestiaires, après le match, mais avant même d’avoir consacré à la douche le moment traditionnel, les Genevois buvaient déjà le vin d’honneur. Sur son banc, Conne n’avait pas encore réalisé pleinement les succès de son équipe. Epuisé, il parlait toujours du match : « C’était long. J’ai cru que ça ne finirait jamais. Les arbitres m’ont envoyé deux fois en prison pour faire plaisir au public qui hurlait ».

C’était vrai, les charges de Conne possèdent une telle puissance qu’elles donnent parfois l’impression d’être incorrectes. L’adversaire est expulsé dans les décors et les arbitres, pour calmer la foule, envoient parfois le Genevois sur le banc des pénalisés. Décision discutable, mais absolument humaine, presque logique…

Bernard Giroud, lui, ne lâche « sa » Coupe que pour la faire remplir de vin blanc par le président Claud Barbey. Il s’en excuse en répétant : « Ce qu’elle est affreuse, cette Coupe Suisse. Et dire que c’est pour ce matchin-là que nous avons tant lutté ! ».

Quant à M. Claude Barbey, en président réaliste, toujours orienté vers l’avenir, il affirme :

« Plus encore que de sauver notre saison, l’obtention de ce trophée aura certainement des effets bénéfiques sur l’avenir de notre club. Nous venons d’accomplir un pas vers le futur. Maintenant, les joueurs comprennent mieux pourquoi ils ont lutté. Ils seront donc disposés à consentir plus volontiers d’autres sacrifices. Et puis, regardez leurs visages heureux, leur saine camaraderie. Cette Coupe rendorcera ces liens. La saison prochaine, nous aborderons sans doute le championnat avec des ambitions plus grandes. Nous partirons en tous cas d’un échelon plus élevé grâce à ce succès. Ah ! Si Jean Cusson pouvait continuer son œuvre… ».

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